Star en déclin du a sa vieillesse, Elizabeth Sparkle, interprétée par l’iconique Demi Moore, se voit offrir la possibilité de devenir une autre version d’elle-même par le biais de « La Substance ». Cadeau empoisonné nourrit par une obsession malsaine du paraitre, The Substance oscille entre le charnel de sa nouvelle version « plus jeune, plus belle, plus parfaite », Sue, incarné par Margaret Qualley, et l’horrifique décadence du corps humain représenté par un body horror de plus en plus graphique.
Produit de la réalisatrice et scénariste Coralie Fargeat, tourné en France et bien que sa première projection ait eu lieu au festival de cannes en mai dernier, ayant d’ailleurs gagné le prix du meilleur scenario, The Substance fera ses débuts dans nos cinémas français le 6 novembre prochain soit plus de 2 semaines après la sortie américaine.

Le film ose et le film réussi
La recette The Substance, ou le culte du paraitre fini par vous transformer en monstruosité, n’est pas nouvelle. On retrouve les mêmes bases dans plusieurs œuvres tel que « La mort vous va si bien » de Robert Zemeckis ou encore « La prison des apparences », épisode 4 de « Le Cabinet des curiosités » de Guillermo Del Toro.
Néanmoins The Substance se crée une véritable unicité, une ambivalence sur le papier qui se traduit aussi dans ses visuels et son sound design, se balançant tel un métronome entre le minutieux et le chaotique qui lutte en parallèle de la distinction grandissante entre Elizabeth et Sue. Une photographie soignée, signé Benjamin Kracun, est rythmée par la bande-son tantôt à l’electro tambourinante puis au violon oppressant du compositeur Rafferterie.

Peu de dialogue et une complexité moindre afin de représenter une vision plus globale de la relation sociétal Homme-Femme. Elizabeth/Sue ne voue son existence qu’à l’attention qu’elle reçoit, Harvey ne semble être qu’un grossier parasite et un homme seulement semble voir la beauté d’Elizabeth. Un grossissement des traits laissant un malaise palpable, notamment lors d’une « dégustation » de crevettes pour le moins… rebutante.
Une poursuite de la perfection notamment derrière la camera
Pour pleinement appréhender le film il est important de revenir à ses sources, The Substance est le deuxième film de Coralie Fargeat. Son premier, Revenge (2017), portait déjà le même mélange fond-forme, un fort propos féministe rythmé par un sanglant caractéristique. La réalisatrice et scénariste de 48 ans explique cette mouvance par un vécu personnelle compliqué :
« La fin de ma vie. Je pensais que je ne pourrais plus être en mesure de plaire, d’être appréciée, aimée, remarquée, digne d’intérêt… À seulement 40 ans, on m’a poussée à croire que ma vie était finie. J’ai étudié les sciences politiques, je suis féministe – et pourtant… ce changement s’était quand même insinué dans mon cerveau. J’étais absolument convaincue qu’après un certain âge, je ne vaudrais plus rien. Tout comme, quand j’étais plus jeune, j’étais parfaitement convaincue que si je n’étais pas mince, et que je n’avais pas un physique parfait, je ne valais rien. »
Une société patriarcale malsaine qui produit une vision de la femme comme simple vecteur de désir pour les hommes, qui base la valeur sur le superficielle. La comparaison avec la nourriture sera omniprésente, l’attrait « appétissant » et de consommation étant malheureusement opportun. Un tabou devenu universelle, les troubles du comportement alimentaires ayant explosé ces dernières années, également présent dans le métrage s’étalant de l’angoisse obsessionnel de Sue ou de l’hyperphagie qui accompagne la déprime d’Elizabeth.
Le choix des acteurs renforce le lien réalité-fiction ; Une Demi Moore arrivant à ce qu’on disait être une fin de carrière, Margaret Qualley qu’on dit être une des stars montante d’Hollywood et Dennis Quaid (le rôle étant initialement réservé à Ray Liotta avant son décès en 2022) étant pour ainsi dire clivant suite à ses nombreuses polémiques.

Pouvant laisser le spectateur sur un carreau d’incompréhension concernant l’auto-dévaluation d’Elizabeth tant son interprète est resplendissante, l’universalité de ces normes de beauté complètement absurde se reflètera même sur sa version « plus parfaite ». En effet, de même que pour le body horror de sa version « dépérissante », le recours aux effets pratiques s’est fait savoir jusque dans l’augmentation de la poitrine de Margaret Qualley. Une triste réalité aux conséquences ici, chimérique et sanglante. Une auto-critique exacerbée et obsessionnelle allant jusqu’à la maltraitance de soi même.
Grossièrement, ce qui caractérise The Substance est son ambivalence. D’une justesse pourtant si brute à la perfection se voulant rempli de défaut. Coralie Fargeat moule pour le mieux un propos tellement évident et pourtant bien trop passé sous le tapis, soignant autant l’admiration du corps jeune et normatif, filmant en plan serré les courbes de Margaret Qualley, que le cauchemar d’une vieillesse inévitable combattu à coup de produit en tout genre ou même de chirurgie esthétique. Une lutte entre « le beau » et « l’horreur » ou le jugement n’a pas sa place.
The Substance resonne, épate, questionne, fascine et s’impose comme un incontournable de cette année. A voir en salle absolument dès ce 6 novembre 2024 !