François Ozon, un nom qui plaît au paysage cinématographique français depuis un certain temps maintenant. Depuis 8 Femmes en 2001 (qui reste son film le plus populaire) Ozon propose des drames plus forts et troublants les uns que les autres. Son travail sur des personnages tourmentés, indécis ou sur des comédies de procès est fortement apprécié. Et voilà qu’il adapte Albert Camus et son roman L’Étranger, paru en 1942. Le film, qui prend de grandes libertés artistiques, se concentre sur Meursault, un jeune employé de bureau indifférent à la moindre chose qui peut se produire, comme à la perte de sa mère, élément qui occupe la première demi-heure du film. Le récit, qui se déroule à Alger, nous conduit au meurtre d’un Arabe par Meursault qui a agi sans raison apparente. Mais son geste sera jugé criminel et monstrueux, compte tenu de son comportement absent la majorité du temps et du peu d’émotion montré pendant les funérailles de sa mère.

les adaptations… délicat pour ozon….
Si on considère qu’Ozon maîtrise le genre “judiciaire” il est moins certain qu’il sache s’y prendre avec les adaptations, même si Mon Crime sorti en 2023 et tiré d’une pièce de théâtre jouée en 1934 était très réussi, tout comme Peter von Kant, adapté de Fassbinder (on note donc que ce sont des adaptations théâtrales et non littéraires). Pour L’Étranger, on fait face à un cas assez déplaisant car Ozon fait d’un roman sans grandiloquence un film d’auteur aux grandes tirades, avec un noir et blanc nouvelle vague qui n’est là que pour enjoliver un film superficiel. Superficiel, oui ! Et sans point de vue intéressant, L’Étranger est un film où les sentiments invisibles du héros sont confrontés à la recherche d’une moralité et d’un questionnement. Une personne qui ne ressent pas les émotions recherchées est-elle pour autant un coupable idéal ? Camus écrivait cela sans prétention : il s’agissait d’un sujet comme un autre. Ozon en fait un grand sujet de foi, de la même sorte qu’il convoque la religion pour complexifier son anti-héros défait d’humanité. Bien sûr, on sait qu’Ozon s’interroge sur les dessous de la foi — Grâce à Dieu en est un exemple convaincant — et c’est d’ailleurs le segment le plus abouti, même s’il intervient à la conclusion. Le désir de vivre ! L’aboutissement de l’existence, se réjouir de notre destin.

Oui le film porté par Benjamin Voisin a l’atout de ne pas échouer sur un angle plus intérieur, quand vient le moment où Meursault délivre sa pensée, ce qu’on lui réclame. Mais est-ce suffisant ? On ne peut se satisfaire d’un long-métrage inutilement théâtral et qui, ironiquement, manque de verbe pour être plus expressif, ce qui n’est habituellement pas le cas chez François Ozon. Le noir et blanc à l’image, le vide en chacun, le fond et la forme qui coagulent difficilement : adapter Camus n’est pas à la portée de tous, et certainement pas d’Ozon, tant habitué à la parole et aux vérités. Ici, ni mots, ni pensées, et certainement pas de résolution. Rien, tout simplement.
